Debord, dans le bruit de la cataracte du temps, par Daniel Blanchard
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] Qualifier Debord dartiste ne va évidemment pas sans paradoxe. Sa critique de lart, quil voulait dévastatrice, a porté en fait sur deux plans. Lart moderne, à travers la succession de ses avant-gardes qui se répétaient sans se dépasser, a épuisé sa vertu critique envers lexistence aliénée. Mais, dautre part, il soppose aussi à la « vraie vie » par son caractère figé qui le voue à nêtre quun cimetière dinstants, la réalisation fictive, fallacieuse, de désirs. Au principe de lart jouerait la même puissance aliénante que Debord allait étendre à tout le fonctionnement social à travers le concept de spectacle. Lart nétait que séparation de la vie.
Que le promoteur dune telle critique se soit avéré lui-même profondément artiste, lexplication de ce paradoxe tient peut-être au fait que cette critique manque son objet, si bien quil se retrouve, pour ce quil a dessentiel, inentamé. Réduire en effet lart du XXème siècle au mouvement de la négation incarné par les avant-gardes, cest prendre un discours historique sur lart et linstitution artistique pour le travail de lart lui-même. Que Dada, et principalement Duchamp, aient marqué avec une clarté exemplaire la limite théorique de lart au XXème siècle - cest la signature qui en dernier ressort fait loeuvre, et pour quil y ait art, il faut et il suffit quun artiste en décide - na nullement empêché, en deçà de cette limite, son foisonnement et sa richesse de sens. Et dans son obstination à définir ce qui peut ou doit être art aujourdhui, lavant-garde a seulement réussi - et en cela elle a vraiment réussi - a devenir lart pompier de la seconde moitié du siècle, avec Beuys, Buren et bien dautres. Et encore, quand on parle des avant-gardes faut-il se garder de les aligner toutes sur un unique sens de lhistoire. Le mouvement Cobra, par exemple, se définit bien plus par un renouvellement positif que par le travail de la négation. [
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Extrait de l'article de Daniel Banchard, paru sur Multitudes.